Parole d’expert – Olivier Goldstein, avocat associé, et Alexandre Chagneau, tax lawyer – counsel, King & Spalding

Régime des impatriés et carried interest

Publié le 22 mai 2025 à 10h10

King & Spalding    Temps de lecture 4 minutes

Les gérants de fonds basés au Royaume-Uni traversent une zone de turbulences fiscales. Outre la mise en place d’un nouveau régime « Foreign Income and Gains » en lieu et place du régime historique des « Non-Dom », restreignant la durée d’exonération des revenus de source étrangère (quatre ans contre quinze auparavant), le Royaume-Uni procède à une refonte de la fiscalité du carried interest. Depuis avril 2025, le taux d’imposition des plus-values liées au carried interest est passé de 28 % à 32 % et la situation devrait se dégrader davantage : à compter d’avril 2026, le carried interest sera considéré comme un revenu d’activité, soumis à l’impôt sur le revenu et aux cotisations de sécurité sociale, soit un taux d’imposition d’environ 47 %.

Ce changement de paradigme pourrait constituer une aubaine pour les places financières alentour, telles que la France – à condition, néanmoins, de clarifier l’articulation entre le régime français des impatriés et la fiscalité du carried interest…

Le régime français des impatriés permet aux salariés recrutés de l’étranger venant exercer une activité professionnelle en France de bénéficier, sous conditions, d’une exonération temporaire2 et partielle d’imposition de leurs revenus sur :

– les suppléments de rémunération directement liés à l’exercice de l’activité professionnelle en France pour leur montant réel ou, sur option, pour un montant forfaitaire égal à 30 % de la rémunération nette totale ;

– une fraction de 20 % de la rémunération correspondant à l’activité exercée, le cas échéant, à l’étranger ; et

– 50 % de leurs revenus patrimoniaux3.

Si la question de l’application du régime des impatriés aux produits de carried interest avait été tranchée dans le contexte très particulier du Brexit4, elle n’a fait, en revanche, l’objet d’aucune précision du législateur ou de l’administration par ailleurs. La réponse demeure pour l’heure incertaine, de même que la question de la distinction entre le carried interest respectant les critères imposés par les textes, et traité comme un revenu de capitaux mobiliers éligible à la flat tax, et le carried interest traité comme un revenu salarial.

Sur la base d’une lecture littérale des textes, il semble a priori clair que le « bon » carried interest devrait pouvoir bénéficier du régime des impatriés et notamment de l’abattement de 50 % applicable aux revenus passifs (soit un taux d’imposition de 19 %5, 6).

Le « mauvais » carried interest pourrait, lui, être en partie exonéré sur le fondement de la prime forfaitaire d’impatriation (soit un taux d’imposition de 36 %7, 8). Notons d’ailleurs que la nouvelle rédaction du BOFiP relatif à la prime d’impatriation, récemment soumis à consultation, semble induire, en cas d’option pour le montant forfaitaire, qu’il n’est pas nécessaire d’en fixer le montant, conformément à l’intention du législateur et contrairement à l’approche retenue jusqu’à présent par l’administration dans ses procédures de contrôle. Une fraction des revenus de carried interest pourrait également être exonérée d’impôt au titre, le cas échéant, d’une activité exercée à l’étranger (soit un taux d’imposition de 40 %9, 10).

Compte tenu de ces incertitudes et des contraintes budgétaires, les clarifications de l’administration fiscale sur le sujet seraient bienvenues afin de maintenir la compétitivité du régime des impatriés français face à la concurrence de certains voisins européens tels que l’Italie et ainsi attirer les gérants de fonds tentés de quitter le Royaume-Uni pour des cieux plus cléments.

1. Les gérants pourront néanmoins bénéficier d’un taux d’imposition d’environ 34,1 % sous certaines conditions.

2. Exonération applicable pendant huit ans.

3. Revenus de capitaux mobiliers et plus-values de cession de valeurs mobilières et droits sociaux notamment.

4. La loi de finances pour 2019 avait permis aux gérants transférant leur résidence fiscale en France avant le 31 décembre 2022 de bénéficier du régime légal du carried interest sans possibilité toutefois de le cumuler avec le régime des impatriés.

5. Y compris la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus au taux de 4 %.

6. 50 % × 30 % + 4 %.

7. Ibid.

8. 70 % × 45 % + 4 %.

9. Ibid.

10. 80 % × 45 % + 4 %.

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